La littérature réunionnaise

Les premiers poètes
Leconte de Lisle
La littérature réunionnaise est marquée par une tradition poétique apparue dés le XVIIIe siécle, à l'époque où l'île s'appelait encore Bourbon, sous la plume de deux auteurs, Antoine de Bertin et Evariste Parny, qui produisent , à Paris, les premiers textes poétiques « créoles ». Ils seront suivis un siécle plus tard par Charles Leconte de Lisle, Léon Dierx et Eugéne Dayot. Les paysages insulaires et l'exotisme sont fréquemment les sources d'inspiration de ces écrivains.
L'aigu bruissement des ruches naturelles,
Parmi les tamarins et les manguiers épais,
Se mêlait, tournoyant dans l'air subtil et frais,
A la vibration lente des bambous grêles
Où le matin joyeux dardait l'or de ses rais.
L'Aigu Bruissement, Charles Leconte de Lisle
Les premiers romans
Le premier roman réunionnais, Les Marrons, apparait en 1844; Louis Timagène Houat y met en scéne quatre esclaves fuyant la tyrannie de leur maître, dénonçant pour la premiére fois les préjugés de la haute société blanche coloniale. Georges Athénas et Aimé Merlo n'ont pas eu cette préoccupation, et ont été, sous le pseudonyme de Marius-Ary Leblond les défenseurs et les théoriciens du roman colonial En France qui raconte la découverte du Quartier latin par deux jeunes étudiants réunionnais et aborde le thème du déracinement. Il fut récompensé par le prix Goncourt en 1909. Dans leurs ouvrages, Georges Athénas et Aimé Merlo dressent un tableau pittoresque de la vie coloniale (Le Miracle de la Race - 1914, Ulysse, Cafre - 1924, Le Roman colonial - 1926...). Jules Hermann, notaire à Saint-Paul, marque la fin du XIXe siécle et le début du XXe. Engagé dans la vie politique de locale, il milite en faveur du développement économique et, dans le même temps, laisse son imagination naviguer sur le passé mythique des îles de l'océan Indien. Au milieu du XIXe siécle, les premiers textes culturels écrits en créole sont l'oeuvre de deux auteurs métropolitains, Emile Héry et Antoine Roussin. Le premier traduisit des fables de La Fontaine, le second ouvrit les colonnes de son hebdomadaire La Semaine aux textes créoles.
Le renouveau
Axel Gauvin
Aux côtés d'Anne Cheynet, de Jean Lods et de Jean-François Samlong, le romancier Axel Gauvin marque le renouveau de la littérature réunionnaise. Professeur agrégé de sciences naturelles, il est un fervent militant de la culture réunionnaise et de la promotion de la langue créole. Ses romans s'inspirent de la vie quotidienne et tentent de faire un inventaire et de sauvegarder ce qui fait la spécificité de la Réunion. Dans Faims d'enfance (1987), il situe son action à l'intérieur de l'école d'un village isolé sur les Hauts de l'île et décrit les réactions d'un jeune garçon d'origine tamoule face à tous les aspects de la société réunionnaise. Le talent littéraire de Gauvin éclatera dans L'Aimé (1990) une histoire d'amour entre une vieille dame, Margrite Bellon, et le petit Aimé recueilli dans la tourmente d'un jour de cyclone et ramené à la vie par la tendresse et l'affection d'une grand-mère pourvoyeuse de bonheur.
Margrite les trouvait beaux, tous les trois, sans exception : Aimé, Grand-père, Gaby... Aimé d'abord, qui, malgré la crainte de Grand-mère de lui voir attraper le refroidissement, avait plaqué à l'eau ses cheveux - questions de les croire bien lisses. Aimé dans sa chair requinquée, ses articulations libres, son costume neuf - le moment était venu et l'occasion bien bonne pour que Grand-mère lui fasse couper sa première fierté de culotte longue... (...) Assise sous son manguier, Margrite trie son riz. Quand on dit : Margrite trie... sa main trie, sa main trouve seule, se pose seule sur le dernier paddy, le caillou qui - blanc de silex - voudrait se faire passer pour grain, la paille rare, l'ivraie fréquente. Tandis que la main trie, l'esprit est par hausses, baisses, cabosses et bas-fonds.
L'Aimé, Axel Gauvin
Les créolistes
A la fin des années 70, des créolistes rassemblés au sein du groupe Octobre 77 ont mis au point une orthographe créole intitulée Lékritir 77. Cette dynamique conduira Mgr Gilbert Aubry (poète et évêque de la Réunion) et Jean-François Samlong (romancier et essayiste, La Nuit cyclone, L'Arbre de violence) à relancer le mouvement de la Créolie. Ce courant affirme, par la poésie, la singularité de la Réunion : " Ici nous vivons de Créolie, proclame solennellement Gilbert Aubry, comme ailleurs de Négritude ou d'Occitanie. Nous savons que nul ne peut nous assimiler à une autre histoire. Au contraire. Dans la recherche et le respect des racines propres aux divers groupes, c'est l'ensemble qui prend les cultures des quatre horizons pour en faire son trésor et son partage quotidien. " Ce mouvement apolitique compte dans ses rangs les poétes Jean-Henri Azéma et Jean Albany. Il ouvre un espace littéraire à des auteurs engagés, militants-poétes, tels que Alain Lorraine ou Boris Gamaleya.
De sous les siécles chus j'exhume l'ossuaire
des amants qui n'ont plus d'autres exils qu'eux-mêmes
croissez ô cri de l'homme en leur éternité
ô mon île a brisé le ciel de ses salazes.
Les Langues du Magma (1978), Boris Gamaleya
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